Max Jacob, Lettres et dessins à Paul Huin : 1928-1932,
édition établie et présentée par P. Schmitt-Kummerlee, Paris, Al Manar, 2006 -
Tarif préférentiel pour les Amis de Max Jacob 250 € au lieu de 280 €.
« Je ne suis pas de ceux qui oublient les petits ou les grands services » (lettre du 15 décembre 1929). Le sens de l’amitié de Max Jacob n’est plus à démontrer. Ses cinq lettres écrites entre 1929 et 1932 le présentent en quête de recommandations pour un jeune écrivain et marchand de tableaux Paul Huin : ce dernier ne sera d’ailleurs jamais publié par la revue Bifur qui arrive bientôt à son terme, mais il continuera «à donner des contributions cri- tiques ponctuelles », comme l’écrit Philippe Schmitt-Kummerlee dans sa préface bien documentée, aux colonnes de divers revues et journaux avant de travailler pour les éditions Hachette. Il mourra prématurément à 41 ans, quelques mois seulement après la disparition de Max Jacob.
Quant au style de ce bref échange épistolaire, il est très chaleureux et allègre, surtout de la part d’un homme alité depuis quatre mois à la suite d’un accident d’automobile. On y retrouve son sens aigu des jeux de mots et d’esprit : «Hue, hein ? / Que rien n’arrête ton courage et ta charrette / monte la côte / et prends la côte / nous t’aiderons, nous t’aiderons / de la force de nos ailerons. »
On peut y savourer aussi cette liberté de ton qui sait s’affranchir à bon escient des qu’en-dira-t-on : «embrassons-nous, puisque c’est la coutume, et même si ça ne l’était pas». D’autres passages de cette brève correspondance évoquent avec gravité cette fois les indélicatesses de Maurice Sachs, puis une lettre repentante reçue de lui avec le rembourse- ment partiel d’une somme autrefois extorquée à Jacob.
Quant au quotidien de la convalescence du poète à Quimper, il apparaît aussi en fili- grane avec un «voyage autour de sa chambre sur deux cannes ». Il «écrivaille » des poè- mes de Morwen (sic) le Gaëlique et confie aussi au courtier Paul Huin un lot de gouaches, «affaire » qui peut tous les deux les arranger.
De plus, l’auteur du Laboratoire central «dessinaille »; ces illustrations valent vrai- ment le détour, en particulier un beau portrait du Christ. Il est dédicacé à l’apprenti-poète «en souvenir de la rue Nollet » : le visage tracé au charbon de bois sur une nappe en papier est présenté de profil avec un regard expressif et droit; les yeux, le front et le nez surpren- nent par leur dessin d’une grande netteté qui se détache avec force d’un fond tremblant de verticales ondulées.
Enfin, un poème inédit sur la Nativité achève de donner sens à cette publication :
La neige et la nuit recelait Jésus
Et l’Eternité bénissait la terre |
Receler : être en possession illégale d’un bien, le cacher mais aussi contenir. Comment la nuit et la neige peuvent-elles contenir Celui qui les contient ?
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